Le temple de Montou à Medamoud
Histoire du lieu
Le temple de Medamoud (l’antique Madu) se dresse en bordure du village du même nom, à 8 km au Nord-Est de la ville de Louxor.
Il a été fouillé par une mission conjointe de l’IFAO et du musée du Louvre, menée par Fernand Bisson de la Roque, de 1925 jusqu’à la seconde guerre mondiale.
L’histoire du lieu est une succession de constructions, reconstructions, usurpations, s’étageant du moyen empire jusqu’à l’époque copte.
Le premier temple connu de façon certaine est celui de Sesostris 3, en briques crues. La préexistence d’un sanctuaire tumulus, une " butte de Geb ", sorte d'osireïon primitif, est cependant envisagée.
Tête de Montou provenant de Tôd (musée du Louvre).
A Medamoud, Sesostris importe le culte de Montou, déjà célebré à Ermant (l’antique Hermonthis).
Ermant à l’Ouest, Medamoud au Nord-Est, Tôd au Sud et Karnak-Nord sont les 4 lieux dédiés à Montou le guerrier.
Ils forment un complexe monumental sacré défendant la ville d’Amon, complexe ultérieurement appelé « palladium de Thèbes » par les Grecs.
Le temple est profondément remanié, en particulier par les rois de la deuxième période intermédiaire et ceux de la 18ème dynastie. Touthmôsis 3 complète Ermant, Tôd et Medamoud.
Une statue, trouvée enterrée, est maintenant au Metropolitan Museum de New York.
Du règne d'Amenhotep 2 restent en particulier la statue en diorite de Manakhtef, échanson du roi (statue du musée du Louvre présentée aux expositions de Venise et de l'Institut du Monde Arabe) et une porte en granit, un des rares éléments que les rois ptolémaïques laisseront en place quand ils construiront un nouveau temple en grès, lui-même modifié par les empereurs romains.
Enfin, une église copte à 3 nefs est érigée aux 4ème et 5ème siècles.
Les vestiges sur place
Actuellement, on entre généralement sur les lieux par le nord, en longeant la cabane des gardiens.
Cette présentation, elle, suit l'axe oues t=> est du temple.
Un canal reliait Karnak-Nord à Medamoud.
Outre l'accès en barque, il devait aussi exister une voie processionnelle : Porter et Moss signalent un propylône à mi-chemin entre Karnak et Medamoud.
Le quai donne sur une allée de sphinx qui aboutit à l'enceinte du temple, peu visible aujourd'hui. Cette enceinte est généralement attribuée à Tibère, bien qu'une stèle retrouvée dans les réserves du Caire accrédite la thèse d'une réalisation par Auguste.
Derrière l'enceinte, on trouve les vestiges d'un triple kiosque reposoir à barques.
L'allée des sphinx et les restes du triple kiosque reposoir à barque.
Dans le lointain, on aperçoit les colonnes du portique (décrit plus loin).
Le kiosque sud présente une célèbre procession de musiciens.
La procession continue sur le mur à droite sur ma photo.
Beaucoup de publications assemblent les personnages des 2 murs sur un seul dessin, sans signaler la séparation.
Ont aussi été trouvés des blocs du nouvel empire, réemployés, montrant 4 prêtresses jouant du tambourin devant Hathor et Mout.
Sur un relief dont il ne reste que les parties basses, une femme sort du palais, précédée d'enseignes.
Ce relief a un équivalent, où c'est un roi qui sort du palais.
Les kiosques datent de Ptolémée 12 et 13, les reliefs sont légèrement postérieurs.
Il pourrait donc s'agir d'une représentation de la grande Cléopâtre. Le roi en face serait Ptolémée 14, frère-époux de la reine, par analogie avec une scène d'une chapelle de Coptos.
Ceci montre l'importance des prérogatives de Cléopâtre 7, représentée dans une attitude typiquement pharaonique.
Un bémol cependant, la présence du roi en symétrique peut être interprétée comme l'impossibilité pour une femme d'effectuer seule ces rites.
Les 3 kiosques permettent d'entrer dans la cour péristyle due à Antonin le Pieux.
On y trouve un autel, construit avec des blocs de remploi datant de Ptolémée 3.
Puis vient un portique (Ptolémée 7 et
, dont les colonnes sont les seules encore dressées dans le temple.
La photo est prise depuis la salle hypostyle (à l'Est), dont il ne reste que les bases, au premier plan.
Les pièces suivantes (salle hypostyle, deux antichambres, sanctuaire) sont très ruinées.
Remarquez les deux ânes broutant tranquillement sur notre site archéologique...
Derrière le grand temple se trouve la grande cour de l'est, contenant un petit temple et une " habitation " pour le taureau sacré de Montou.
Ce dernier, appelé Boukhis, est une création tardive apparue initialement à Ermant où une nécropole de taureaux a été découverte. Le mur qui enserrait initialement le grand temple et la grande cour de l'Est est partiellement conservé.
Sa face externe présente d'intéressantes scènes.
Trajan fait une offrande à Boukhis, devant une botte de foin.
C'est à cet endroit que le taureau rendait ses oracles.
Boukhis.
Je ne connais pas de très belle représentation de Boukhis.
A défaut, voici un autre taureau sacré, le taureau Apis, sérapeum d'Alexandrie (musée gréco-romain d'Alexandrie).
Revenons sur le site. Une autre scène représente une divinité nilotique.
Le cartouche de droite est inscrit avec un titre des empereurs romains, "Autocrator César".
Le cartouche de gauche ressemble à celui de Domitien.
Au sud de ces temples se trouvaient le lac sacré et une construction de Ptolémée 2 et 3.
Aujourd'hui, un "champ de pierres" présente des reliefs qui méritent le coup d'œil.
Un linteau, lui aussi réemployé, avec les cartouches de Ramsès II.
Vespasien Autocrator Cesar fait l'offrande de Maât à Amon.
Initialement dans la cour d'Antonin de Pieux.
Un serpent ailé.
Au Sud de ces temples, un "champ de pierres" contient quelques représentations intéressantes.
Montant de porte arborant un cartouche d'un Sesostris (Senousret).
Le bas d'une statue de Sesostris 3 assis.
Amenhotep 2 et Montou.
Si, si, je vous assure, y'a Montou (plus précisément Montou-Rê) à gauche !
Dans les musées
Plus de 150 pierres décorées ont été trouvées à Medamoud.
En voici une liste, non exhaustive.
Des talatates d'Amenhotep IV/Akhenaton ont été remployés à Medamoud, comme à Karnak, Louxor, Tôd et Ermant.
Une porte de Sesostris 3 a été remontée en 1947 dans le musée en plein air de Karnak.
Les montants présentent le nom d'Horus de Sesostris 3.
L'intérieur, montrant le roi face au dieu Montou, a été usurpé par Sebekemsaf 1.
Le musée du Louvre s'est vu accorder de nombreuses pièces lors du partage de fouilles.
2 statues d'époque ptolémaique représentent Montou (avec une tête de taureau) et Rattaouy .
A l'époque ptolémaique, Rattaouy, déesse solaire, remplace Tjenenet, la parèdre de Montou au moyen empire.
Avec Harparê (" Horus le soleil "), ils forment une triade qui affirme le caractère solaire de Montou : la ville d'Ermant est appelée l'Héliopolis du sud, Montou est associé à Atoum dans des scènes de montée royale.
Ces statues font partie d'une série de 4 paires, dont une autre se trouve au Caire.
Entre les 2 statues, le bloc provient de Tôd.
il faisait séparation entre la chapelle de Montou et celle de Rattaouy.
Un linteau en calcaire montre une double représentation de Sesostris 3 offrant gâteaux et pains à Montou hiéracocéphale.
A gauche le visage du roi est jeune, à droite il est agé.
Visage jeune.
Visage agé.
Offrandes
Montou.
Le musée du Louvre présente ce linteau avec 2 statues montrant elles aussi Sésostris à des ages différents.
Le Louvre possède de plus un fragment d'une troisième tête semblant appartenir à la même série...
...ainsi qu'une tête en calcaire qui est, elle aussi, attribuée à Sesostris 3 sur des critères stylistiques.
A comparer avec celle-ci, actuellement au musée de Louxor et provenant de Karnak.
Un autre linteau au musée du Caire montre le roi en tenue de fête Sed recevant des millions d'années de la part d'Horus et Seth.
Toujours au Louvre se trouve une porte construite par Sesostris 3, remaniée par Khoutaouyré Ougaf puis usurpée (peu discrètement d'ailleurs) par Sékhemré-Séouadtaouy Sébekhotep.
On voit très nettement que les cartouches ont été retouchés.
Le transfert de ces blocs décorés dans des musées rend la visite un peu " austère ".
Ce n'est pas forcément regrettable : ce site ne possède pas d'enceinte moderne pour le protéger, les gardiens ont fort à faire pour contenir enfants, ânes et chèvres…
Medamoud n'en demeure pas moins d'un grand intérêt pour l'histoire de l'Egypte et procure au touriste tenace le sentiment délicieux de sortir des sentiers battus.